L’affaire opposant Ahmed Kanté à la société ABC continue de susciter des débats passionnés dans les milieux judiciaires et économiques. Alors que le dossier est toujours pendant devant la Cour d’appel Conakry, certains observateurs appellent à la prudence et à la retenue, rappelant qu’il ne revient à personne d’interférer dans le processus pénal, surtout au stade des enquêtes.
Selon les informations issues de l’ordonnance de la Cour d’appel, l’ancien directeur général de Saguipami, M. Kanté, aurait signé un protocole d’accord (MOU) entre Axis et SOGUIPAMI pour appuyer la promotion de la société Axis. Cependant, il serait ensuite devenu actionnaire et bénéficiaire du projet, une situation considérée comme contraire à l’éthique administrative et potentiellement en violation de la législation guinéenne, laquelle interdit à d’anciens agents de l’État de tirer profit de leur position antérieure.
Le procureur du tribunal de Kaloum, dans son dernier réquisitoire, avait estimé que Kanté, Lorcy et Rogers s’étaient rendus coupables d’actes répréhensibles, requérant à leur encontre plusieurs années d’emprisonnement. Toutefois, le juge avait pris une décision contraire, déclarant les trois prévenus non coupables.
Une décision que le procureur a immédiatement attaquée en appel, démontrant son désaccord et laissant présager une nouvelle bataille judiciaire dans les prochaines semaines.
Pour les observateurs avertis, l’affaire est loin d’être close. La culpabilité ou l’innocence définitive de M. Kanté ne pourra être déterminée qu’après les deux derniers recours : l’appel et, le cas échéant, la Cour suprême. En attendant ces étapes, toute conclusion prématurée serait hasardeuse.
Mais une autre préoccupation éthique se profile à l’horizon : la société GIC, appartenant à M. Kanté, aurait récemment déposé une demande de licence ex-Axis — le même projet sur lequel il intervenait en tant que consultant lorsqu’il était encore à la tête de SOGUIPAMI.
Un enchevêtrement d’intérêts qui soulève des interrogations légitimes :
— Que se passerait-il si cette licence lui était effectivement accordée, alors qu’il pourrait encore être un présumé coupable pour détournement du même projet ?
— Et, inversement, quelle image donnerait-on si, même reconnu innocent, un ancien haut cadre pouvait bénéficier d’un projet qu’il avait géré au nom de l’État ?
Dans les deux hypothèses, le risque est réel : celui de banaliser les conflits d’intérêts et d’envoyer un mauvais signal à la gestion publique.
Une situation qui, selon certains analystes, pourrait donner le dangereux exemple suivant : « Obtenez un poste, identifiez un bon projet, faites venir les investisseurs, écartez-les… puis gardez le projet pour vous. »
Un scénario qui, s’il se confirmait, constituerait un revers moral et institutionnel pour la gouvernance publique en Guinée.
Par Lansana YANSANÉ







